LA CASCADE DE GERARD
Pour ceux qui ne le savent pas, la cascade de Gérard se trouve un peu au-dessus de Laroque des Albères ; elle ne se manifeste qu’occasionnellement, certains jours particuliers, et il est toujours difficile de savoir à l’avance si et comment elle va se montrer… D’habitude, cette cascade est gaie, vive, souple, mais ce samedi 10 novembre, veille du centenaire de l’armistice de la grande guerre, elle n’a plu à personne, tant elle manquait soudain de sa vivacité et de sa gaieté habituelles…
Il faisait bon cependant, en ce samedi ; nous étions onze ( sept et trois, en faisant la liaison et en inversant les rôles, autrement dit trois hommes et huit femmes ), mais les pluies récentes avaient gonflé les ruisseaux qui courent du haut en bas des Albères, et mouillé beaucoup le sol ; certes il y avait du soleil, mais rarement là où nous étions : il est vrai que ce versant nord des Albères, en hiver, voit peu le soleil.
Nous attaquons résolument cette rando inédite, quand bien même la dénivelée annoncée est sous-estimée, de l’aveu même de son animateur que je ne nommerai pas, pour ne pas lui faire davantage de tort. Le groupe est plutôt cohérent, nous atteignons assez vite la fontaine aux oiseaux ( je sais, en catalan, c’est la font dels ocells, mais la « fontaine aux oiseaux », c’est un souvenir d’adolescence qui invite Sylviane… ), puis une petite cascade ( rien à voir avec celle de Gérard ), et nous montons tranquillement jusqu’au correc de les Teixoneres, qui oppose à notre passage une résistance intempestive : un peu de persuasion, quelques ploufs maladroits, nous passons tous, moyennant quelques pieds mouillés ( vive les mouille-petons ! ) ; nous parvenons au puits à neige – assez imposant par son diamètre – qui suscite quelques commentaires tant on peine à croire aujourd’hui qu’il a pu tomber ici tant de neige qu’on ait pu la conserver… Et peu après, ça recommence avec la ribera de la roca, encore un peu plus résistante à notre passage : cette fois-ci, devant cette difficulté, nous optons pour le partage du groupe, afin que la rando ne devienne pas pour certains un pensum : il faut trouver un autre chemin pour rejoindre plus tard ceux qui traversent, en mouille-petons.
Du coup, nous voici six d’un côté, bien gardés par Simone et François, cinq de l’autre sous l’autorité de Gérard, avec rendez-vous fixé au dolmen de la Balma del Moro. Mais pendant que les six s’élèvent, par le biais d’un sentier imprévu, jusqu’à ce beau dolmen, le club des cinq atteint le Casot del Guarda, qui se montre si accueillant qu’ils décident d’y manger ( il est vrai qu’il y a là table et sièges ). Les six autres mangent donc autour et sur le dolmen, puis attendent, attendent… Le club des cinq, après la sieste ( ? ) reprennent enfin le chemin du dolmen, moyennant une nouvelle traversée mouille-petons de la ribera de la roca.
Nous finissons par nous retrouver tous, un peu après 13 h 30, au pied de la Balma del Moro, et entamons la descente, assez difficile tout le long à cause du sol mouillé sur une pente accentuée et rocheuse. Et c’est presque au bas de cette descente que nous rencontrons la fameuse cascade de Gérard… Pour être plus clair, voici notre Gérard couché sur un mauvais rocher mouillé et aigu, en grande difficulté de se remettre sur ses pieds, pâlichon et se plaignant de l’épaule… Le service de premiers secours s’entremet ( ça ne se mange pas, cet entremets-là ), c’est-à-dire ne fait rien d’autre que reconnaître ce qui fonctionne : à peu près tout, un peu laborieux parfois. Après un temps assez long ( c’est toujours long, dans ces cas-là ), Gérard, plutôt pâle, se remet debout, mais doit se rasseoir encore un peu pour finir de se ressaisir. Le diagnostic fait état d’une éventuelle luxation de l’épaule et d’une fracture possible du cubitus, sans compter une plaie non alarmante au droit du coude, mais Gérard se sent en état de redescendre ainsi, avis partagé par le chef… Toutefois son sac à dos descendra par ses propres moyens ( c’est-à-dire porté par Christian d’abord, relayé ensuite ).
La fin de la descente est un peu silencieuse mais sans réelle inquiétude ; à l’arrivée se pose la question de la conduite de la voiture de Gérard : après essai, celui-ci estime être en état de conduire et tous se passe bien jusqu’à Bages.
Le diagnostic final, après passage aux urgences, confirmera la fracture du cubitus et la luxation de l’épaule, mais y ajoutera des côtes fêlées et une autre plaie à l’épaule… Fichue cascade !!!